Décrites
pour la première fois par Edmond Nocard en 1888, les Nocardia sont des
actinomycètes aérobies stricts possédant un mycélium vrai, ramifié et septé.
Longtemps, les aspects morphologiques, microscopiques et macroscopiques,
couplés à quelques caractères physiologiques ont été retenus pour établir la
taxonomie des actinomycètes. L’identification classique des actinomycètes
repose sur le système chimiotaxonomique de Lechevalier qui permet de
distinguer dix chimiotypes. Ce système est basé sur la présence d’acides
aminés pariétaux (acide 2,4-diaminobutyrique, acide 2,6-diaminopimélique
(meso-DAP), glycine, lysine, ornithine, acide aspartique) et de lipides
pariétaux (acides gras, phospholipides, ménaquinones, acides mycoliques),
ainsi que de sucres cellulaires (arabinose, galactose, madurose, xylose), la
présence majoritaire de l’un ou l’autre (ou plusieurs) de ces éléments
pouvant être caractéristique d’un genre particulier et définissant des types
pariétaux ou des profils saccharidiques ou lipidiques spécifiques
L’addition
de critères phylogénétiques et biochimiques a permis de rapprocher le genre
Nocardia des genres Rhodococcus, Gordonia, Tsukamurella, Dietzia, Skermania,
Mycobacterium et Corynebacterium au sein d’un groupe supragénérique
d’actinomycètes nocardioformes.
Parmi les infections (hors tuberculose) dues aux actinomycètes aérobies, la
nocardiose est, en France, de beaucoup la plus fréquente. Il s’agit une
infection, localisée ou disséminée, qui résulte généralement de l'inhalation
des germes, responsables d’infections pulmonaires et, plus rarement, d’une
contamination traumatique, à l'origine de localisations cutanées, oculaires,
etc. Chez les patients présentant des facteurs de prédisposition, les infections
primaires pulmonaires sont suivies, dans plus de la moitié des cas, d’une
dissémination secondaire par voie hématogène, touchant avec prédilection le
système nerveux central et le tissu sous-cutané (mais tous les autres organes
peuvent être également atteints).
La nocardiose affecte principalement les sujets immunodéprimés. Les facteurs
de prédisposition sont principalement représentés par les traitements
immunodépresseurs, en particulier par les corticostéroïdes, les affections
néoplasiques, les transplantations d’organes, les maladies
broncho-pulmonaires chroniques, les maladies auto-immunes et le SIDA.
L’observation de cas en l’absence de tout facteur prédisposant n’est pas
exceptionnelle (jusqu’à 30 % des cas, selon les études), au cours desquels
l’infection survient généralement après contamination traumatique de la peau
et demeure localisée.
La complexité bactériologique des Nocardia et le caractère occasionnel de
leur isolement a longtemps conduit à considérer la nocardiose comme une
maladie rare. La fréquence de la nocardiose reste encore imprécise, mais une
enquête réalisée en 1992 par notre Laboratoire a permis d’estimer qu’environ
150 à 250 cas de nocardiose sont diagnostiqués chaque année en France.
L’incidence réelle pourrait être plus élevée, du fait d’un « index de
suspicion » bas (confusion avec d’autres affections, pathologies
intercurrentes masquant parfois le diagnostic). De fait, le nombre de cas
répertoriés par notre Laboratoire augmente chaque année de plus de 50 % en
moyenne depuis 10 ans. L’augmentation apparente de l’incidence de la
nocardiose peut être expliquée par l’accroissement du nombre et de la
sévérité des situations d’immunodépression, et aussi probablement par une
amélioration du diagnostic.
Les problèmes posés par la nocardiose et plus généralement par les infections
à actinomycètes aérobies (en dehors du genre Mycobacterium) sont de
différents ordres: épidémiologiques, physiopathologiques, diagnostiques,
thérapeutiques.
L'objectif que nous nous sommes fixés a donc été :
- de
développer des méthodes permettant de mieux appréhender la phylogénie, la
taxonomie et l’identification au sein du genre Nocardia et au sein de la
famille des actinomycètes notamment par des approches moléculaires pouvant
constituer une alternative aux méthodes classiques d'identification,
- de mieux
appréhender la biodiversité des souches de Nocardia et les aspects
épidémiologiques de cette infection en développant et validant des outils
reproductibles et discriminants pour le typage infraspécifique des souches de
Nocardia,
-
l’ensemble de ces travaux de recherche sont sous-tendus par notre activité
d’expertise et de surveillance épidémiologique pérennisées au sein de
l’Observatoire Français des Nocardioses dont nous assurons l’entière gestion,
scientifique, technique et économique, et que nous présenterons en premier
lieu.
L’Observatoire Français des Nocardioses est un service totalement intégré et
le plus développé au sein du plateau technique PAR-MIC du pôle Envirhônalp,
composante importante du Pôle de compétitivité « Chimie – Environnement ».
Deux autres services sont en projet d’intégration au PAR-MIC : un Centre de
Ressource Biologique et l’Observatoire Rhône-Alpin des Microflores
Naturelles, ainsi qu’un réseau de laboratoires du cluster Environnement, etc.
Destiné à analyser, d’une manière globale, le risque microbiologique et la
diversité microbienne, et à favoriser l’émergence d’actions conjointes EPST -
Université et partenaires socio-économiques, le PAR-MIC bénéficie du soutien
de l’action INGEMA (aide à l’émergence de start-up en collaboration avec le
C.N.R.S.), de l’U.C.B.L., du cluster Environnement, et est en attente des
soutiens de la région Rhône-Alpes et du C.N.R.S.
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